Idées Noires

M’appelle pas « black »

Elle parle. Elle me fait rire alors j’écoute.

Et puis tout à coup, je l’entends. Ce mot qui me dérange tant.

« Son mec est BLACK ».

Mon esprit se fige. Le mot résonne. Salement, violemment. Comme une claque finalement.

« Je ne suis pas noire, je suis marron ».

Vous vous rappelez de ces mots ? On les a tous prononcé gamins. La vérité sort de la bouche des enfants hein…. Pas forcément, car dans notre société, les beiges sont blancs, les marrons sont noirs, les arabes sont arabes même s’ils ne sont pas arabes et les chinois sont chinois même lorsqu’ils sont vietnamiens. Les choses ont été ainsi compartimentées, logiques ou non, l’ordre est établi, le vocabulaire est figé. Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir.

Et puis un jour on s’est dit que «noir» c’était pas très correct. Alors on a cherché d’autres appellations. Le verlan s’en est mêlé, puis on a misé sur les origines « exactes » des gens, on s’est mis à dire «il est malien», « elle est antillaise ». Histoire de ne pas dire le mot qui s’est subitement mis à nous déranger. Et finalement on a adopté le mot magique, le mot «black».

Black, en anglais c’est noir. Mais Black en français c’est tourner autour du pot.

« Pourquoi tu dis black ? » – « Bah je pensais que c’était raciste de dire noir ».

Pourquoi serait-ce raciste de dire qu’un noir est noir et pourquoi serait-ce politiquement incorrecte de dire qu’un blanc est blanc ? Très probablement parce que les couleurs ne sont plus juste des couleurs et que la compartimentation des êtres humains a atteint ses limites.

On se sent raciste d’appeler un chat un chat après avoir inventé le mot chat tandis que l’on refuse d’admettre ce qui est réellement raciste, dans les faits, dans les actes.

J’étais partie pour dire que je déteste le mot black parce que je suis noire et que je n’ai pas honte de ce que je suis.

J’étais partie pour dire que je déteste le mot black parce que je n’ai pas envie de nier ce que je suis.

J’étais partie pour dire que je déteste le mot black parce que c’est justement lui qui met un climat malaisant dans une situation banalement saine.

Puisqu’il fallait des mots, on les a créés. Mais si malaise il y a dans un simple mot, c’est que le problème est ailleurs. Peut-être que le souci c’est que nous sommes désormais incapables de percevoir les gens telles qu’ils sont, les gens en tant que personne. La couleur est trop forte et après avoir bâti une société entièrement sur la compartimentation des «races» on réalise que ces mêmes compartiments prennent désormais trop de place.

Alors maintenant le mot dérange mais tout le système qui se cache derrière, toujours pas. Mais chut, ne le dites pas trop fort, il ne faudrait pas que les consciences s’éveillent…. Pas de panique, un bon black-out et puis demain tout rentrera dans l’ordre.

En ce qui me concerne, je ne suis pas là pour soulager la conscience de qui que ce soit. Je suis ce que je suis et je sais surtout les faits. La messe est dite, je suis Noire, pas bazanée, pas bronzée, ni même « typée ».

Je crois que t’as bien compris….

En d’autres termes, m’appelle pas black.

Texte : Nèl Tinta-Négra – Tous droits réservés.

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