Ça y est, je l’ai trouvé. Ce fameux livre de Gisèle PINEAU qui m’aura captivé de A à Z, sans que je ne saute de lignes ni que je trouve certains passages trop long.
Ceux qui suivent la rubrique #EstCeQueLaCourLit savent que j’ai déjà lu deux romans de cette grande dame sans être forcément parvenue à entrer dans son monde. Eh bien sur ce coup-là, j’y suis entrée les yeux fermés et j’ai apprécié le voyage qui porte le mystérieux titre de « Cent vies et des poussières ».
L’histoire tourne autour de Gina, une jeune guadeloupéenne qui, à la trentaine, est déjà mère de 7 enfants et a bien l’intention de continuer à en faire, bien qu’elle ait promis à sa troisième, Sharon, de s’arrêter à sept. Le truc avec Gina, c’est qu’elle adore être enceinte et est totalement fan des bébés. Seulement son intérêt pour eux cesse aussitôt qu’ils passent de bébés à enfants. Parce que subitement, les sourires font place à des bouderies, les gazouillis à des silences, les câlins à la désobéissance. Alors Gina enfante encore et encore, laissant ses aînés livrés à leur propre sort. Autour d’elle se développent d’autres histoires, celle de ses quatre plus grands enfants, celle de sa sœur Viviane, celle de ses voisines, et puis celle d’une légende vieille de plusieurs décennies qui expliquerait pourquoi le ghetto que constitue la Ravine claire est ce gouffre sans fond qui englouti les âmes et tout espoir de réussite pour ses habitants.
Ce que j’ai aimé avec cette histoire c’est justement l’articulation du passé avec le présent, de la tradition avec la modernité et tout ce que cette dernière peut offrir de bon comme de mauvais. Les livres de Gisèle PINEAU n’offrent pas de fin. Il n’y a même jamais de début. Elle nous livre un passage de la vie de ses personnages comme si nous n’étions que des promeneurs un peu voyeurs sur les bords qui s’arrêtent quelques instants devant la fenêtre d’une maison pour observer ce qui s’y passe. Nous avons droit à un instant de vie, sans jugement aucun. Un simple exposé, à vous d’en faire ce que vous voulez.
Avec « Cent vies et des poussières », on se penche sur le destin de ces personnes parquées dans des ghettos insalubres, comme regroupées par type de problèmes et types de vices. On apprend à comprendre ce qui maintient ces gens dans un tourbillon de déveine et on apprend aussi à analyser le pourquoi de leurs actes. Chômage, pauvreté, hommes volages parfois violents, souvent pères démissionnaires, mères superficielles et inconscientes, adolescents délinquants, adolescentes mamans, drogue, sexe, alcool, inceste, petits trafics et grosses bêtises, tout y est, sans plaintes ni misérabilisme.
Madame PINEAU nous montre ce qu’il y a à voir, à vous d’en tirer les conclusions qu’il vous plaira. Pour ma part, je crois que ce type d’ouvrage a une mission : celle de nous ouvrir les yeux sur ce que nous ne connaissons pas, celle de changer d’avis sur ce que nous jugeons trop et sans savoir.
La Guadeloupe est malade de l’intérieur. La Martinique est malade de l’intérieur. La Guyane est malade de l’intérieur. La Réunion est malade de l’intérieur. Et même Haïti est malade de l’intérieur. Les fléaux sont plus ou moins les mêmes à quelques différences près. Mais voyez-vous, en nous narrant ce type d’histoire, des auteurs comme Gisèle PINEAU nous offrent des pistes sur ce que nous devons réparer en premier et l’une des réponses se trouve, je crois, dans les ghettos et les cités.
Pourquoi tant de pauvreté ? Pourquoi tant d’irresponsabilité ? Pourquoi tant de parents démissionnaires ? Pourquoi une telle absence d’ambition ? Pourquoi les crimes et délits deviennent le seul chemin que beaucoup de nos jeunes voient à emprunter… ?
Les questions sont nombreuses et si nous voulons sauver nos territoires, nous devrions probablement commencer à y répondre.
Gisèle PINEAU – « Cent vies et des poussières » – Folio – 2012 – disponible dans toutes les librairies en ligne comme la Fnac ou Amazon pour 8 euros.
Texte : Nèl Tinta-Négra